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Guillaume Greff


Dead cities

Ce que permettent de voir les photos de Guillaume Greff, c’est donc que le décor de la neutralisation, en tant qu’il est lui-même neutre et privé de tout vecteur d’affects, échappe à sa simple fonction pour devenir une sorte de forme symbolique de notre temps. Il suffit de se promener un peu pour le vérifier, la ville-fantôme du camp de Sissonne, avec ses rues aspirées par le vide, ses façades blêmes, son édifice religieux composite (où l’église le dispute à la mosquée et à la synagogue), ses murs de parpaings, ses blocs d’habitation bunkerisés et même ses herbes folles, n’est ni une copie de l’existant ni une projection imaginaire, elle est un modèle et, comme telle, un gisement idéologique sidérant. Mais encore fallait-il le montrer. Le piège était grand ouvert, ici, d’une surenchère et toute dramatisation ou toute esthétisation d’un tel décor eût été une erreur ou un masque. Il fallait que la photographie se contente de sa vertu passive et qu’elle atteigne à la pure effectivité de sa tâche de présentation. Montrer ce qui n’est pas fait pour l’être, c’est entrouvrir la porte du sensationnel. Mais justement, c’est par cet intervalle étroit qu’il s’engouffre. Les images lisses obtenues par Guillaume Greff sont presque comme des cartes postales, mais ce sont celles d’un lieu dont la puissance d’écrasement de l’imaginaire laisse sans voix. Nous les regardons fascinés, y découvrant l’espace d’une vie qui longe la nôtre. Le décor est planté et si de l’action qui va s’y jouer les photos ne disent rien, c’est parce que le photographe est resté sur le seuil – mais c’est là justement qu’il fallait se tenir, sans dire mot, dans la stupeur d’une effraction. extrait d’un texte de Jean-Christophe Bailly, août 2012. 

2013
Paris
22 x 16 cm
Broché

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