L’idée que la copie puisse passer pour un acte de création, la citation, la parodie, le plagiat, la contrebande de « seconde main », la collection, la répétition ou plutôt la « reprise » constituent des motifs et des procédés où la modernité a reconnu et exposé son destin mélancolique. Après, parmi d’autres, Maria Wutz (Jean Paul), Bouvard et Pécuchet (Flaubert), Bartleby (Melville) ou Pierre Ménard (Borges) et dans l’horizon de l’art américain des années quatre-vingt, Sherrie Levine figure au nombre de ceux qui ont relancé frontalement ce thème dans une perspective critique et sur le territoire spécifique des arts plastiques. La copie selon Sh. Levine advient à l’époque du ‘ready-made’ universel, de la reproduction généralisée des œuvres d’art et du sentiment diffus d’un achèvement du moment moderne. S’il n’y a plus d’original ni d’originalité, il ne reste plus à reproduire que des reproductions en situant le travail dans la variété « infra-mince » des processus de reprise et en mettant à jour les modalités contemporaines d’existence et de signification de l’œuvre d’art. Cet art, salubrement mineur, de l’après-coup ou de la « seconde fois » s’émancipe aussi des mythes de l’origine et de l’originel et contribue ainsi au désenchantement comme projet de sortie de la mélancolie moderne. Quand elle titre les œuvres qu’elle signe « After », suivi du nom de l’artiste ou de l’écrivain à qui elle emprunte l’objet de son délit, Sh. Levine souligne autant qu’elle travaille « après x » que « d’après » une reproduction indéfiniment dupliquée de son œuvre « unique ». Huysmans et Degas font ici les frais de ce recyclage du pareil au même où l’auteur se retourne enfin dans sa tombe.
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